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SNCF : la bataille du rail des contrebassistes pour monter à bord avec leur instrument

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Considérés comme de simples bagages, les instruments ne peuvent excéder 1,30 mètre pour voyager en train. Un calvaire pour les contrebassistes, régulièrement verbalisés ou laissés à quai. Depuis deux ans, ils tentent de faire fléchir la SNCF.

La photo de la contravention a fait le tour des réseaux sociaux. Une amende salée de 150 euros dont un certain Nathanael, contrebassiste de son état, a dû s’acquitter lors de son trajet en TGV entre Paris et Bordeaux, le 21 juin. Son tort ? Voyager avec un objet « encombrant et dangereux », à savoir son instrument…

Une jolie prune infligée – ça ne s’invente pas – le jour de la Fête de la musique ! Malheureusement, tous les concertistes vous le diront, ce genre d’avanie n’est pas rare. Le petit monde des orchestres grouille d’histoires de musiciens durement verbalisés pour avoir pris un train avec leur volumineux outil de travail.

Une dérogation pour les skis... pas pour les contrebasses

Quand ils n’ont pas été, purement et simplement, empêchés de monter à bord ou débarqués en chemin. L’affaire, loin d’être anecdotique, agace à juste titre la profession, qui compte plusieurs milliers de contrebassistes et autres harpistes.

Depuis plusieurs années, les syndicats, relayés par de nombreux artistes, réclament un geste de la part de la SNCF. Mais l’entreprise, inflexible, continue d’appliquer pour les instruments le même règlement de sécurité que pour les bagages classiques : rien ne doit dépasser 1,30 m de hauteur et 90 cm de largeur, mis à part quelques dérogations comme les paires de ski.

Au final, le touriste peut aller arpenter les pistes tranquillement, quand le contrebassiste, lui, faute de jouer du triangle, risque de rater son concert ou de voir le montant de son maigre cachet – autour de 120 euros net en moyenne – partir en fumée s’il se fait épingler par un contrôleur pointilleux.

Élève au Pôle d’enseignement supérieur de la musique de Dijon, Emma a vécu la mésaventure en octobre 2022. Alors qu’elle rentre en TGV d’une session d’orchestre, la jeune femme est restée, comme d’habitude, debout à côté de sa contrebasse, près des toilettes. Le contrôleur tique aussitôt.

« J’ai essayé d’expliquer à l’agent qu’étant étudiante, je n’avais pas vraiment le choix, je n’ai pas mon permis, le coût de la voiture n’est pas donné et, tout simplement, pour des questions environnementales, je choisis le train », confie Emma. Les arguments tombent à plat. Et elle se prend une amende. Dur. « Pour moi qui suis encore en formation, avec mes petits cachets occasionnels et mon job alimentaire, ça représente une somme vraiment considérable. »

La « grand-mère » devrait être considérée comme un bagage spécial

Payer une place assise sans en profiter, afin de surveiller son instrument et ne pas déranger les autres voyageurs ? Cela ne suffit pas à obtenir la mansuétude de la SNCF. Selon l’entreprise, en cas d’évacuation, les instrumentistes risqueraient de gêner le passage. « J’ai envie de leur dire qu’on est à côté des portes, nous, les contrebassistes, et que nous serons les premiers à sortir en cas de besoin », rétorque Emma.

Cet entêtement agace d’autant plus que ces normes de sécurité drastiques ne sont pas imposées par d’autres transporteurs ferroviaires. En Italie ou dans les pays du Benelux, comme à bord du Thalys, les contrebasses, tant que les étuis ne dépassent pas 2 mètres, sont parfaitement acceptées. Tout comme elles peuvent arpenter les rames bondées du métro parisien sans souci…

Ulcérée par cette situation, la musicienne Alba Cantuern a lancé une pétition en mars 2021 – elle compte aujourd’hui 48 000 signatures. Le but : réclamer que ces gros instruments, qui mesurent en moyenne 1,80 m, obtiennent une dérogation à bord des TGV et soient considérés comme des bagages spéciaux.

« La réglementation actuelle limite énormément les musiciens dans leur quotidien, déplore la jeune artiste. Nous sommes nombreux à ne pas avoir de voiture et à n’avoir que le train comme moyen de transport pour nous rendre à des concerts, auditions, concours, ou tout simplement rendre visite à notre famille. »

Depuis cette initiative, le bras de fer n’a cessé de se durcir. Une campagne d’affichage (« La musique privée de train ! ») a été organisée en septembre 2021 par Profedim, le syndicat des producteurs, des musiciens et des festivals indépendants de musique.

Dix petits centimètres

Et, après des semaines de négociation sous l’égide des ministères de la Culture et des Transports, la SNCF a accepté finalement, en février 2022, de passer la dimension des bagages autorisés de 1,20 m au fameux 1,30 m d’aujourd’hui. Dix petits centimètres qui ont permis aux violoncellistes de voyager plus sereinement. Mais n’ont rien changé pour la « grand-mère » des instruments à cordes.

Seule solution proposée alors par la SNCF : faire transiter les instruments par le fret ferroviaire. Mais, pour les musiciens, hors de question d’expédier sans ménagement un objet si fragile et intime, parfois très ancien, dans un conteneur au milieu de caissons faisant parfois cinq fois son poids…

Étienne, contrebassiste de jazz professionnel, verbalisé à trois reprises

Depuis lors, c’est le statu quo. Une cinquantaine de députés ainsi que l’ancien président de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale ont écrit à la direction de la SNCF. En vain.

Début juin, une nouvelle tentative de médiation a eu lieu entre la société ferroviaire, le gouvernement et Profedim. Sans le moindre résultat. « Je doute de la volonté de la SNCF de résoudre ce problème », lâche Aurélie Foucher, la secrétaire générale du syndicat.

Contacté par nos soins, le cabinet du ministre des Transports assure que « SNCF Voyageurs continue d’étudier ce sujet et devrait bientôt proposer des solutions pour les instruments concernés ». Voir. La SNCF, elle, n’a pas répondu à nos sollicitations.

Étienne, contrebassiste de jazz professionnel, verbalisé à trois reprises

Depuis lors, c’est le statu quo. Une cinquantaine de députés ainsi que l’ancien président de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale ont écrit à la direction de la SNCF. En vain.

Début juin, une nouvelle tentative de médiation a eu lieu entre la société ferroviaire, le gouvernement et Profedim. Sans le moindre résultat. « Je doute de la volonté de la SNCF de résoudre ce problème », lâche Aurélie Foucher, la secrétaire générale du syndicat.

Contacté par nos soins, le cabinet du ministre des Transports assure que « SNCF Voyageurs continue d’étudier ce sujet et devrait bientôt proposer des solutions pour les instruments concernés ». Voir. La SNCF, elle, n’a pas répondu à nos sollicitations.

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